Art de la cueillette

L’art de la cueillette s’articule autour de plusieurs paramètres propices à la bonne conduite et garant d’un résultat fidèle aux émotions et au savoir-faire propre au cueilleur. Le choix du site et des plantes à cueillir, le calendrier à respecter, la durée de la cueillette, la préparation des plantes, leur séchage et stockage en font un savoir-faire accompli et unique.

En quête d’essence : les plantes aromatiques

Les plantes aromatiques existent dans notre environnement à l’état sauvage. Elles sont dites du soleil mais certaines plantes du soleil ne sont pas forcément aromatiques comme le cactus.

Pour celles qui nous intéressent, elles sont riches en essence relativement quantifiable. Ces végétaux, producteurs d’essence que l’on peut extraire par distillation, sont peu nombreux.

L’essence elle-même est une sécrétion naturelle de la plante qui lui permet de se protéger contre les agressions extérieures. Elle est utilisée dans la parfumerie mais également dans le secteur agro-alimentaire. Certaines d’entre elles ne se distillent pas mais peuvent être extraites à l’aide de solvants chimiques ou à l’aide de graisses. Respectivement, on parle alors de réalisation de concret et d’absolu, et d’enfleurage.

Dans leur utilisation thérapeutique, il en est de même, certaines molécules aromatiques et médicinales qui ne peuvent pas être distillées, sont extraites à l’aide d’huile végétale (macérât huileux), à l’aide d’alcool (teinture) ou de glycérine (macérât glycériné, spécifique au travail avec les bourgeons et dans la Gemmothérapie). On peut aussi utiliser ces mêmes procédés pour les plantes qui se distillent mais le résultat recherché sera différent.

Pour les huiles essentielles d’agrumes, par exemple, on extrait leur essence par pression à froid. Chaque plante possède alors un pourcentage d’essence qui lui est propre et différent. Son extraction en sera proportionnelle et la méthode associée singulière.

Repères quantitatifs : exemple de rendements de production d’huiles essentielles

En règle générale, produire une huile essentielle demande une grande quantité de plantes et constitue un travail assidu et fastidieux.

Ainsi, on se doit de s’adapter et de respecter certains repères quantitatifs clairs et précis tels que pour produire 1L d’huile essentielle, il faut, par exemple :

  • pour la lavande fine, 180 kg de plantes récoltées ;
  • pour le thym à thymol, 500 kg de plantes récoltées ;
  • pour la rose de Damas, 2 tonnes de pétales.

A ces repères quantitatifs s’ajoutent les conditions spécifiques de la pousse de chaque plante, notamment selon l’environnement dans lequel elle évolue.  Une immortelle de basse altitude donnera plus d’huile essentielle qu’une immortelle de montagne où le froid concentre les molécules. Par contre, une huile essentielle issue de cette plante de montagne aura des vertus thérapeutiques plus grandes car la plante aura développé de grandes capacités pour affronter le froid. En d’autres termes, elle aura développé une essence plus riche pour mieux la protéger.

Ce même principe s’applique aussi aux plantes issues d’un champ cultivé ou d’un environnement sauvage.  Ainsi, l’huile essentielle sera plus puissante si la plante a été récoltée à l’état sauvage car elle aura lutté par elle-même pour survivre, ce qui n’est pas le cas pour une plante cultivée où les meilleures conditions sont réunies par l’homme pour permettre au végétal de s’épanouir (labour, amendement de la terre, passage d’une herse rotative pour aérer les jeunes plants, désherbage).

La récolte : un savoir-faire ancestral et unique

La coupe de plantes
Prélever des plantes dans un milieu sauvage est plus fastidieux qu’en plein champ où la coupe est mécanique car on utilise le plus souvent une faucille. Selon le type de plantes travaillées, la technique de coupe varie et se diversifie :

  • coupe à la française (coupe frontale),
  • coupe à l’italienne (on tourne autour de la plante),
  • coupe à l’espagnole (on tourne autour de la plante mais la lame de la faucille est inclinée selon un angle de 40°, puis elle glisse sur la plante pour la prélever sans jamais se redresser. L’autre main, fait une pincée qui attrape les brins coupés au fur et à mesure).

La plante récoltée est ensuite stockée dans des sacs de toile de jute, conservée à l’ombre avant d’être distillée.

Ce savoir-faire, qui est important d’acquérir lorsque l’on décide de prélever des plantes dans site sauvage, s’est transmis de génération en génération dans les Alpes de Haute-Provence jusqu’aux années soixante. Les agriculteurs de l’époque coupaient manuellement les plantes dans leurs champs pour les récolter. A l’époque, un bon cueilleur pouvait atteindre jusqu’à 500 kg de lavande par jour. Aujourd’hui, avec un bon entrainement, un cueilleur sauvage peut atteindre en moyenne 200 kg  dans la journée si le site est généreux. On peut alors s’imaginer le temps, la force physique et l’endurance qu’il est nécessaire de déployer.

Cependant, ces techniques de coupes disparaissent avec le temps, la faucille laissant la place à la machine pour les plantes de culture. A l’heure actuelle, beaucoup de producteurs professionnels d’huile essentielle favorisent la grande échelle et choisissent de cultiver une plante plutôt que de la ramasser dans un site sauvage leur permettant de mieux maîtriser les quantités et les coûts, dans un premier temps, mais aussi car certaines plantes sont de nos jours présentes en faible quantité dans la nature (risque de disparition à l’état sauvage pour certaines d’entre elles).

En effet, pour la culture de la lavande fine dans les Alpes de Haute-Provence, par exemple, un champ d’1 hectare produit en moyenne 6 tonnes de plantes. Il faut 4 heures pour le couper mécaniquement. Si 180 kg de plantes récoltées nous donnent 1L d’huile essentielle, comme vu précédemment, alors 6 tonnes de plantes récoltées donnent 33,3L d’huile essentielle quand un bon coupeur manuel prélevait 500 kg de lavande pour produite 2,7L d’huile essentielle.  

Le rendement est certainement plus rentable, expliquant ainsi la tendance actuelle à grande échelle favorisant la quantité plutôt que la qualité. On en comprend aussi pourquoi l’huile essentielle est généralement un produit couteux.

Des facteurs favorisant la récolte
Pour récolter une plante en vue de la distiller, il est important de tenir compte de plusieurs conditions environnementales.

La météorologie en est un facteur principal. En effet, le temps doit être beau et sec. De mauvaises conditions climatiques nuisent à la qualité des plantes et leur rendement peut-être nettement plus faible. L’heure de la journée au moment de la récolte influe également sur la qualité de la plante récoltée. Il faut toujours cueillir une plante quand la rosée a disparu et non pas après 16 heures car la montée d’essence est à son maximum quand le soleil est à son apogée.

Les différentes phases de la lune jouent également un rôle important. Une cueillette effectuée en fonction des phases propices de la lune a une influence sur la qualité de l’huile
essentielle obtenue.

L’observation de la faune est aussi un bon indicateur car un champ ou un site sauvage où l’on rencontre des insectes et des oiseaux locaux indiquent une biodiversité équilibrée et une terre préservée et donc des plantes en bonne santé.

Réunir toutes ces conditions favorise la récolte des plantes  pour une production d’huile essentielle de qualité.

Préparation de la plante : séchage et stockage

Après leur récolte, pour les distiller, les plantes nécessitent une attention particulière. Elles doivent être préparées avant leur distillation.

Pour ce faire, certaines d’entre elles doivent passer 72 heures à l’air libre. On parle alors de technique de préfanage, par exemple, propre à la lavande fine. La plante ainsi fraîchement coupée va être entassée sur une hauteur de 1m et sur une largeur de 80 cm. Formant de longues bandes que l’on appelle cavalets, la manière de les positionner pour les faire respirer et pour ne pas qu’elles pourrissent est une étape délicate.

Cette technique permet à la plante, au contact de l’air, de fixer une molécule aromatique bien précise, le Linalol, qui donnera toute son ampleur olfactive et thérapeutique à l’huile essentielle.

D’autres procédés existent pour la préparation des plantes suivant le type de végétaux que l’on récolte. Les conifères, par exemple, doivent être préalablement broyés avant la distillation pour que les molécules aromatiques puissent se libérer.

Chaque cueilleur possède alors à son échelle des éléments importants préalables à la distillation. Cet art requiert une sensibilité particulière avec la nature et l’environnement car travailler avec les plantes, c’est savoir être à l’écoute du vivant qui nous entoure et être au service de la nature tout autant que l’être pour la vie.

Cueillir est alors un art à part entière car il relève du respect de vivant et revient, à permettre aux gens de vivre en harmonie complète avec ce que la nature nous fournit pour se guérir et se prémunir des aléas de santé de la vie.